En forêt, à l’école des bucherons

Ludovic Birot (à droite) forme chaque année les apprentis bucherons du centre de formation forestier de Bazas

Article Sud-Ouest publié le 24/04/19 par Jérôme Jamet

L’appel de la forêt, ils l’ont tous reçu. Julien, 26 ans, qui vient de quitter l’armée après cinq années de service Thomas, même âge, ancien coiffeur à Gradignan. Vincent; 30 ans, qui travaillait dans l’entretien de parcs et jardins à Mérignac. Il y a aussi un ancien mécano pour bateau, un auxiliaire de vie spécialisé, un charpentier… Au total, ils sont sept à avoir signé au Centre de formation forestier de Bazas pour embrasser le rude métier de bûcheron manuel.

Depuis quelques jours, l’équipe d’apprentis est en stage sur un chantier dans les forêts de Giscos, près de Captieux en Sud-Gironde. Les futurs bûcherons doivent abattre pour le compte de la société Smurfit 75 pins de plus de 80 ans. La cime est à 28 mètres en moyenne, la circonférence des troncs mesure 3 mètres environ. Et pour compliquer l’exercice, les pins sont disséminés au milieu de la chênaie qu’il s’agit de préserver.

« Il faut se remettre en question pour chaque arbre. Trouver la technique appropriée à chaque difficulté », expose Ludovic Birot. Fils de bûcheron, le formateur impose le respect. Tant par son physique d’athlète que par sa maîtrise technique. Les élèves écoutent le maître avec attention sur ce cas pratique.

Le couloir de chute

Ludovic Birot se place à l’aplomb de l’arbre. Lève la tête vers la cime. Vise avec son bras. Il étudie d’abord le « penchant naturel » de l’arbre. Une force qu’il va falloir contraindre vers un « couloir de chute » déterminé afin de ne pas endommager les chênes tout autour. La forêt n’est pas un jeu de quilles. « Nous ne sommes pas des destructeurs de forêts. » Pour éviter la casse, Ludovic Birot parle « calculs de forces physiques ». « Il faut jouer avec les fibres du bois. » Gros bras croisés, les élèves enregistrent La tronçonneuse de 10 kilos en main, en appui sur les cuisses pour ne pas se rompre le dos, Ludovic Birot commence à écorcer le tour du tronc. Le geste est précis.

La lame aussi affûtée que le bûcheron attaque la base du tronc à l’horizontale d’abord puis à l’oblique.

Une coupe en éventail

Sous le regard toujours attentif de ses élèves, le bûcheron crée une entaille sur presque la moitié de la circonférence du tronc. C’est de ce côté-là que l’arbre devra tomber. Il attaque ensuite une coupe en « éventail » un peu plus haute sur toute l’autre partie. Malgré le poids de la machine, la lame reste parfaitement à l’horizontale.

Elle ne doit surtout pas atteindre et couper les fibres au cœur du tronc, « la charnière » sur laquelle le pin va bientôt basculer. « Il faut se repérer dans le volume du tronc. ».

Un premier coin est enfoncé à la masse au niveau du trait de coupe afin de contraindre l’arbre dans sa chute. Puis un second. D’un bond, Ludovic Birot s’écarte à bonne distance vers le « chemin de repli ». Dans le même temps, la fibre craque et l’arbre bascule de l’autre côté, emportant quelques branches de chênes qui resteront bien sur pied. Impressionnant.

« Il faut rester jusqu’au dernier moment derrière l’arbre. Il y a quelques secondes d’adrénaline », reconnaît le bûcheron qui insiste sur les risques de chaque instant Du maniement de la tronçonneuse à la chute des arbres, les accidents, parfois dramatiques, font partie du métier.

Un métier difficile qui recrute

« C’est un secteur pourvoyeur d’emplois, mais qui est très méconnu.  » Le directeur du Centre de formation forestier de Bazas recrute des apprentis bucherons manuels, mais aussi des conducteurs de machines pour l’abattage et le débardage. « Nous avons des places de libres dans nos formations, mais on ne trouve pas assez de candidats. J’ai aussi des employeurs qui cherchent des bûcherons à 1700 ou 1800 euros par mois pour commencer, mais je n’ai personne à leur proposer », déplore Emmanuel Catherineau.

Il faut dire que si le métier est assez méconnu, il est surtout très dur physiquement. Il demande aussi une grande capacité de rendement pour ceux qui conduisent les engins forestiers. « C’est difficile de créer des vocations. Pourtant, les entreprises se les arrachent »

Dix mois de formation

Chaque année, le Centre de formation forestier de Bazas qui dépend du lycée agricole Terre de Gascogne forme une vingtaine de bûcherons. Pour s’initier à la conduite d’une abatteuse, le centre est équipé de cinq simulateurs d’engins, « des cockpits immersifs en trois dimensions ». La formation se déroule sur dix mois. Environ 25 % du temps d’apprentissage est théorique et 75 % pratique. Pour la rentrée de septembre, le centre dispose de 26 places et seulement 16 sont pourvues actuellement Les formations de bûcheron dispensées à Bazas seront présentées lors du comice agricole d’Escaudes (le 11 mai), puis à Bazas lors du championnat de France de coupe de bois sportive (25 et 26 mai) et lors de la Foire internationale de Bordeaux (du 1er au 10 juin).

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